Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/440

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tique fut de l’autre côté de la porte, avec ces manières théâtrales qui lui étaient devenues comme naturelles, elle se jeta aux pieds de M. Grimaud, en s’écriant :

— Je viens vous supplier d’adoucir ses derniers moments.

— Bon ! bon ; je n’aime pas ça. Relevez-vous ; dites-moi simplement ce que c’est. Que diable ! il faut me ménager un peu ; je viens de souper ; est-ce que vous avez peur que je devienne centenaire ? Allons, mesdames, asseyez-vous, et voyons ce qu’il y a de si pressé.

Lucie, prenant la parole, exposa le dénûment et les souffrances de sa sœur.

— Pauvre fille ! pauvre fille ! dit le vieil avare ; mais, que diable, vous croyez donc que j’ai de l’argent plein mes armoires ? Ces quarante francs que je vous ai donnés l’autre jour, c’était tout ce que j’avais. On ne peut pas me reprocher de n’être pas généreux, que diable ! car enfin, même à bien prendre, je ne vous dois rien, je ne suis pas votre oncle véritable, moi, depuis la mort de ma femme, et puisqu’il n’y a pas d’enfants. C’est égal ! Je veux être pour vous un bon parent, mais le moyen ! le moyen !

Elles se taisaient, écrasées de honte et d’indignation. Il reprit :

— J’ai encore un peu de vin ; je vas vous en donner. Est-ce là ce qu’il vous faut ?

— Je suis réduite à l’accepter, dit Mme Bertin.

Il prit la lumière, alla dans sa cave, et revint avec un panier de bouteilles cachetées.

— Ça me revient à un franc pièce, tout au moins, et ça en vaut à présent une fois davantage. Il y en a douze ; c’est comme qui dirait vingt-quatre francs. Allons, vous pouvez emporter ça. Vous voyez que je ne suis pas un mauvais parent. Cette pauvre petite me fait pitié, voyez-vous ! Mais c’est égal, madame Bertin. Tout ça, c’est de la peine