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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/449

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Au bout de huit jours, on reçut avec transport une lettre de Lucie, mais elle satisfit peu :

« Chère maman,

« J’ai été accueillie par ma cousine très-convenablement, comme elle fait toutes choses, vous savez. J’ai une belle chambre, du feu le soir et le matin, beaucoup de politesse, et tout ce qu’il me faut. Seulement, je commence à m’ennuyer déjà. C’est la première fois que je vous quitte, et que je me trouve seule au milieu d’étrangers. — En vérité je puis les appeler ainsi. — Pourtant M. Gavel a pour moi de grandes prévenances ; mais cela même me gêne un peu. J’avais le cœur gros en vous quittant. Les premiers jours, la nouveauté des choses m’a distraite ; mais à présent je sais par cœur toutes les beautés du salon d’Aurélie et j’ai vu passer presque toute la ville sous ma fenêtre. Je voudrais sortir, visiter les rues et les monuments, me mêler un peu à la foule, me promener surtout, car je souffre réellement de n’avoir rien à faire, et je me sens plus fatiguée tous les soirs que je ne le suis chez nous après une journée de lessive ou de jardinage. Malheureusement, Aurélie ne sort guère, et je ne puis sortir sans elle. C’est un esclavage auquel sont soumises ici les demoiselles. Moi qui ai deux ans de plus qu’Aurélie, je ne puis sortir sans son patronage, ou, ce qui est plus étrange encore, sans avoir au moins celui d’une domestique. Cela est insupportable, et en y réfléchissant je trouve que c’est odieux et insultant. Évidemment on nous garde. Je ne puis t’exprimer, chère maman, combien cela m’indigne de me voir ainsi tenue en laisse, comme ces petits chiens de race ignoble dont on suspecte la fidélité.

« J’ai fait des visites avec Aurélie. D’abord, par politesse, on m’a fait dire quelques banalités, puis Aurélie et la maîtresse de la maison se sont mises à parler de quel-