Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/450

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ques bruits de ville et des personnes de leur société pendant un quart d’heure, après quoi nous sommes parties. Nous sommes allées ainsi le même jour dans plusieurs maisons où l’on a dit à peu près les mêmes choses sur les mêmes sujets. L’ennui que j’éprouvais, et l’obligation d’être à peu près immobile, me causaient une souffrance nerveuse et une envie de bâiller presque insurmontable.

« J’ai assisté à deux bals déjà. C’est fort joli. J’étais assise à côté de plusieurs jeunes personnes, et le cœur me battait très-fort ; je n’osais rien dire, j’écoutais. Au bout de quelque temps, je me suis sentie assez encouragée pour causer à mon tour, et j’ai été très-surprise de trouver qu’on n’avait pas dans le monde, beaucoup plus d’esprit que moi. J’ai fait la connaissance d’une jeune demoiselle très-aimable et très-recherchée, qui s’appelle Amélie Boissot-Laribière. Elle est aussi très-bonne et très-franche. Elle a, je crois, vingt-cinq ans. Son père est un conseiller à la cour royale, et on m’a dit qu’elle ne se mariait point parce qu’elle n’avait qu’une très-faible dot. N’est-ce pas étrange ? La place de son père vaut déjà 3,000 francs ; et ils possèdent une jolie campagne : mais ils sont quatre enfants. Mlle Amélie est cependant une des mieux mises de la ville, et il y a chez eux beaucoup de luxe. Tu vois, chère maman, ce que c’est que le monde.

« Je t’ai dit avant de partir de quelle commission la Mourillon m’a chargée. Ne pouvant sortir seule, tu juges si je me suis trouvée en peine pour cela, car enfin je ne pouvais parler à Aurélie de cette affaire, et outre que je ne sors guère avec les domestiques, il me répugnait de mettre une de ces filles dans mon secret. Voici ce que j’ai imaginé : je me suis fait conduire, sous prétexte de dévotions à faire, à une église assez proche de l’hôpital des Enfants-Trouvés, et comme c’était le matin d’assez bonne heure, et que la femme de chambre avait ses occupations,