Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/49

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Elle s’arrête mécontente, mais n’osant renouveler son accusation, de peur de renouveler la colère de M. Bertin.

— Papa, reprend Lucie, tout ce bruit fait mal à Clarisse, laissons Mme Bourdon. Tu sais que mon oncle nous aime.

— C’est vrai ! c’est vrai ! Lui, c’est un bon diable, aussi je veux m’en plaindre à lui.

— Ce serait lui faire de la peine, cher père, et vouloir brouiller leur ménage. Il me semble qu’il serait plus digne à nous de mépriser cette injure.

— Vous parlez comme un oracle, mademoiselle Lucie ; vrai, vous êtes la sagesse même, ma chère enfant. Eh ! mon Dieu ! oui, voyez-vous, le pardon des injures, c’est notre devoir ; c’est par là que nous pouvons nous rendre agréables à Dieu. Vous avez réellement une grande sagesse, ma mignonne.

— Je sais, dit malignement Lucie, qu’il ne faut point en vouloir à son prochain, ni médire de lui.

— Ta, ta, ta, ta !… fit M. Bertin en s’asseyant près du feu, où il se mit à tisonner brusquement. Mais il ne dit plus rien, et sa femme se taisait aussi.

Le sentiment de leur dépendance et de leur pauvreté, un moment écarté par l’indignation, avait repris sans doute possession de leur âme. Mlle Boc se hâta de détourner la conversation.

— Quelles superbes choses vous faites ! s’écria-t-elle en saisissant la broderie que Lucie tenait encore dans sa main. Où avez-vous pris ce joli dessin-là ?

— Dans le journal d’Aurélie, mademoiselle.

— Vous êtes adroite comme une fée !

— Elle l’est réellement, dit Mme Bertin. Vous ne sauriez croire tout ce qu’elle sait faire. Mme Bourdon ne vous en dira rien, mais Lucie lui a détaché une robe de soie l’autre jour, ainsi qu’une écharpe à Aurélie. Ces dames