Aller au contenu

Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dirent que par un salut à la muette invitation de leurs parentes, qu’elles accompagnaient d’habitude. Le bel ingénieur les intimidait.

Il y a toujours foule sur la petite place de l’église après l’office. Les gens du bourg et ceux des villages s’y mêlent ; on s’y embrasse joue sur joue avec de grands compliments, et c’est là qu’entre amis on s’invite à venir boire chopine au cabaret, ou qu’on engage sa cousine à faire collation entre messe et vêpres.

— Te voilà ? dit Lucie, en embrassant une jeune paysanne des plus élégantes, et dont la figure gentille avait un petit air modeste et composé, te voilà, ma bonne Gène (Geneviève), peux-tu nous donner quelques heures ? Ta mère, va-t-elle mieux ?

— Toujours la même chose, mam’zelle Lucie. Elle mange et dort, mais ne sent point ses jambes et ne peut supporter le jour. Elle parle de m’envoyer à Sainte-Radégonde de Poitiers pour faire un vœu. Mon pauvre père est toujours bien triste. Que voulez-vous ? Tenez, parlons d’autre chose. Vous allez donc avoir un nouveau parent, mesdames, à ce qu’on dit. Comment le trouvez-vous ?

— Très-bien ! répondit Clarisse avec effort.

— Il paraît très-bien, dit Lucie.

— Il me représente le chevalier de Valmont, dit Mme Bertin.

— Ou Lovelace, reprit Lucie en riant.

La petite paysanne paraissait au courant de cette littérature.

— Vous n’êtes pas bonne, dit-elle à Lucie.

— C’est vrai, chère Gène, mais je ne dis cela qu’en plaisantant ; car je suis persuadée que mon oncle et ma tante ont choisi mieux qu’un Lovelace.

— Et vous avez raison de ne point parler de votre cousine, dit Gène, car pour sûr ça n’est pas elle qui a choisi.