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Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/90

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— Oh ! je le crois, maman. La conduite de mon oncle a été bien égoïste, et je n’aurais pas supposé…

— Ton oncle aime à rendre service, mais à condition qu’il ne lui en coûte pas d’argent. Vois-tu, ma pauvre fille, les cœurs désintéressés et magnanimes sont rares. Cependant ton oncle a fait bien des démarches pour placer Gustave, et nous ne devons pas oublier ce bienfait. Et Gustave ! reprit-elle après un instant de réflexion, pourquoi ne nous aiderait-il pas, lui ? Une place de quinze cents francs pour lui seul, tandis qu’à nous quatre, nous ne dépensons guère que la moitié de cela. Oh ! mais Gustave a bien autre chose à faire qu’à s’occuper de notre misère. Les jeunes gens ne songent qu’à leurs fantaisies. Quant aux femmes, elles sont nées sous une étoile funeste, ma pauvre Lucie. Ah ! quand tu as vu le jour, combien j’ai regretté que tu ne fusses pas un garçon !

— Maman, il ne faut pas accuser Gustave. Nous ne connaissons pas sa situation, nous qui vivons ici au fond d’une campagne. À la ville, où tout se vend, seul, au milieu des oisifs et des marchands, peut-être lui aussi se trouve-t-il bien pauvre ! Maman, soyons malheureux, puisqu’il le faut, mais ne soyons pas méchants, n’envions personne ! — Elle fondit en larmes.

— Ah ! ma chère Lucie ! ma chère fille ! s’écria Mme Bertin en pleurant aussi. Pardonne-moi.

— Quoi donc, maman ?

Elle se leva en essuyant ses larmes.

— Il faut que je sois bien faible et bien folle aujourd’hui pour pleurer ainsi. Pourtant je suis courageuse et gaie, tu le sais, et je ne m’ennuie jamais en travaillant. Je t’assure, maman, que je ne suis pas malheureuse. Si Clarisse n’était pas malade, et si vous n’aviez pas de soucis, mon père et toi, je chanterais toute la journée. Écoute, je vais chercher mes cinq francs, et quand le fac-