Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/91

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teur de Gonesse passera, je le prierai d’acheter le sirop et l’onguent pour Clarisse. Nous les aurons demain. Puis, je vais aller tout de suite à la ferme des Èves presser Mourillon de venir faire notre labour ; et, en revenant, je prends ma broderie et me mets à tirer l’aiguille si vite que je pourrai bientôt envoyer à Poitiers un autre paquet de broderies. Prends courage, ma pauvre maman. La belle saison qui revient guérira Clarisse. Eh ! vois cette rose du Bengale déjà fleurie. Clarisse va être enchantée. Portons-la lui.

Elle entraîna sa mère en lui parlant de ses projets de travail, d’un dessin à grand effet, quoique d’exécution facile, qu’elle avait calqué la veille chez sa cousine, et qui certainement lui serait payé cher ; puis elle alla caresser la pauvre malade, et lui persuada de se promener un peu au soleil ; enfin elle prit son chapeau de paille, et, couvrant ses mains de gros gants de coton, elle descendit le sentier de la Prée, qui, se reliant à d’autres sentiers, joignait à travers champs la ferme des Èves.

Son pas, vif au départ, se ralentit peu à peu quand elle fut au milieu de la campagne. Le merle sifflait, les moineaux et les fauvettes sautillaient par terre, ou volaient à l’étourdie de branche en branche, ivres de joie sous un beau soleil. De toutes parts éclataient les primevères jaunes, et Lucie ne put s’empêcher d’en cueillir un bouquet. Même, à force d’entendre gazouiller les petits oiseaux, une roulade vive et joyeuse s’échappa de ses lèvres ; mais elle se tut, et au même instant ses yeux se remplirent de larmes.

Comme elle entrait dans les prés qui entourent la ferme des Èves, elle aperçut Lisa qui gardait ses moutons, assise sous une haie. Mlle Bertin se détourna un peu du sentier, afin de passer près d’elle et de lui dire bonjour. Mais, en approchant, elle vif que la petite bergère, immo-