Page:Leo - Une vieille fille.pdf/144

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expia sa faute par des larmes amères. Elle ne se sentait pas la hardiesse d’expliquer à Albert leur situation, et en même temps elle se reprochait de prolonger cette situation un jour de plus.

Albert, lui, vivait dans un monde enchanté. Tout ce qu’il avait senti jusque-là, poésies d’enfance ou rêves de jeunesse, était dépassé par ce qu’il éprouvait. Avec Pauline il n’avait goûté l’amour que des yeux et des lèvres. Maintenant il sentait son cœur étreint jusqu’à la souffrance, mais par une volupté suprême, quand, sous son regard, le front de son amie se colorait de rougeur, ou même quand elle lui refusait sa main. Tous deux, en dépit des tourments secrets de Marie, jouissaient à ce moment du bonheur le plus vif et le plus complet, celui que donne, au sein de l’amour, la connaissance incomplète qui laisse attendre et désirer.

C’est que le bonheur est plus doux mêlé de crainte que borné de félicité ; c’est que l’incertain et l’indéfini nous passionnent et nous con-