Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/124

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commençait à se reformer au fond de la vallée, et ce fut alors la déroute complète. A dix heures vingt, le feu avait entièrement cessé.

L'ennemi nous laissait dans les deux camps qu'il avait évacués : le drapeau du commandant en chef, quatre cent cinquante tentes, deux canons Hotchkiss, beaucoup de munitions d'artillerie, des fusils, toute la correspondance du commandement, une grande quantité de riz. Ses pertes pendant ces trois jours de combat avaient dû être considérables. Elles n'ont pu être évaluées. De notre côté, nous avions deux officiers et huit hommes blessés. Le combat du 29 nous coûtait malheureusement un officier (le lieutenant Augey-Dufresse) et un caporal tués, ainsi que six blessés. D'après le récit des prisonniers, l'ennemi avait perdu au moins douze cents hommes tués, blessés ou disparus.

Ces trois derniers combats marquèrent la fin des opérations de la brigade d'avant-garde. Et, à cette occasion, le général en chef la félicita pour la façon dont elle avait accompli sa mission depuis près de trois mois. Après Beritzoka, les brigades ont périodiquement alterné dans les travaux pénibles de la route.

Le 4 juillet, dans la matinée, j'assistai à un spectacle simple, mais touchant par sa simplicité même. L'état-major du régiment, avec le drapeau, partit pour Tsarasaotra et le commandant Lentonnet avec un peloton de tirailleurs vint à sa rencontre. Dès que le colonel Poignard aperçut le commandant, il mit lestement pied à terre, se porta vers lui et lui dit : « Mon cher Lentonnet, permettez-moi de vous embrasser, au nom de tous les tirailleurs algériens. » Et ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre, tandis que le drapeau s'inclinait jusqu'à terre et que le commandant qui s'efforçait de sourire, essuyait furtivement une larme. C'est en effet le commandant Lentonnet qui supporta tout le choc de l'ennemi, le 28 et le 29. Il avait une responsabilité très grave, car s'il s'était laissé déborder ou cerner, les