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Gallieni la difficile mission de remettre tout en ordre, de faire rentrer les insurgés dans le devoir et de réaliser enfin le but qu'on s'était proposé : faire de Madagascar une colonie française.

Je n'ai pas eu la bonne fortune de prendre part aux nombreuses opérations militaires qui se sont déroulées à Madagascar à partir de 1896, non plus qu'à l'œuvre magistrale d'organisation que le général Gallieni a poursuivie pendant neuf années en pays malgache et qu'il a définitivement menée à bien en aplanissant toutes les difficultés, en surmontant tous les obstacles.

En abordant un pareil sujet, je ne pourrais que répéter ce que d'autres, beaucoup plus autorisés, ont déjà dit. Mais qu'il me soit permis, avant de terminer ce chapitre, de joindre mon modeste témoignage d'admiration et de respect à tous ceux qui, en France et ailleurs, entourent le pacificateur de Madagascar.

Je crois devoir enfin faire remarquer que c'est l'armée, cette même armée qu'un parti heureusement peu nombreux et peu estimé en France regarde avec dédain, qui, après avoir combattu, souffert et vaincu, a procédé à la première organisation, toujours la plus compliquée, de la nouvelle colonie, et cela, sans discours, sans tapage et sans vantardise.

On nous embarqua sur un navire de la Compagnie Nationale où nous fûmes, malgré notre état d'affaiblissement, fort mal traités. Notre nourriture se composait de lard salé ou de viande de conserve, avec de la morue ou des sardines, et quelquefois du gruyère. Plus de la moitié des hommes ne pouvaient supporter ce régime, ayant l'estomac trop délabré. On adressait des plaintes collectives et journalières au commandant du navire. Nos officiers prenaient notre défense et lui expliquaient que nous n'étions pas en état de digérer une pareille nourriture. Sa réponse était typique ou plutôt... cynique : « S'ils n'en veulent pas, ils n'ont qu'à la laisser. » Et c'est ce qu'on faisait le plus souvent. C'est ainsi que cette compagnie, qui s'est donné