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après la campagne du Dahomey. Lorsque je me présentai au colonel en quittant son beau régiment où j'avais retrouvé une seconde famille, il me tendit la main. — Je vous souhaite bonne chance, me dit-il, et je vous demande de ne pas oublier la Légion. — Non, répondis-je, j'en garderai toujours le souvenir ; j'y ai vu trop de belles choses, trop de beaux exemples, pour que les années que j'y ai passées ne restent pas les meilleures de ma vie.

Le soir, au moment de prendre le chemin de fer pour Oran, je serrai pour la dernière fois la main des camarades et, malgré ma ferme volonté de me maîtriser, j'eus une véritable crise de larmes. J'avais la sensation d'un enfant abandonné par les siens et je ne me repris que sur le bateau qui m'emportait vers Marseille.

En arrivant au 4e d'infanterie de marine à Toulon, j'y trouvai un ancien camarade, légionnaire et combattant du Dahomey, nommé Béranger. Il n'était que depuis un mois à Toulon. — Et déjà, me disait-il, je partirais de bon cœur pour n'y plus revenir.

J'en arrivai bientôt à penser comme lui. La vie de caserne me déplaisait. Je n'étais décidément pas fait pour le train-train monotone de garnison et je préférais cent fois une existence faite de misères, de souffrances, de dangers, au milieu desquels l'homme peut agir et se dévouer. Je commençais à m'ennuyer mortellement, lorsque mon commandant de compagnie, le lieutenant Mouret, soit qu'il s'en fût aperçu, soit simple hasard, m'envoya pour un mois garder les convalescents dans une île près de Toulon. J'y fus logé dans un bâtiment en pierre, sur les murs duquel on pouvait encore lire les noms que les soldats de Napoléon Ier s'amusaient à y graver. Le séjour dans cette île me plut beaucoup ; il me profita aussi, car, lorsque je revins à Toulon, tous les camarades me firent compliment sur ma prestance et ma bonne mine.

Nous allâmes ensuite aux manœuvres dans la Charente.