Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est au cours de ces manœuvres que j’appris à connaître le lieutenant Mouret, plus tard chef de bataillon adjoint au général Famin au ministère de la guerre. Cet officier s’était déjà distingué comme sous-lieutenant au Dahomey par son esprit d’initiative, son intelligence et son courage. Sa physionomie avait une expression si sympathique, si franchement loyale et paternelle, que les soldats de la compagnie lui confiaient souvent leurs affaires de famille. Il s’y intéressait, les conseillait, et correspondait avec leurs parents. Au régiment, tous ceux qui servaient sous ses ordres étaient très enviés de leurs camarades. Par exemple, il exigeait la propreté, l’exécution immédiate des ordres et une franche camaraderie entre les hommes. Dans ses causeries il parlait souvent du dévouement réciproque, de l’honneur du soldat, de la satisfaction que procure le devoir accompli. Je me rappelle une de ses phrases au sujet du devoir : — Le secret témoignage qu’on se rend à soi-même est une de nos meilleures jouissances. — Et au sujet de la camaraderie : — La société serait une chose charmante si l’on s’intéressait les uns aux autres. — Tel était, dépeint en quelques mots, le premier chef sous les ordres duquel je fus placé dans l’infanterie de marine.

Au retour des manœuvres, j’eus l’avantage de connaître un autre chef de grande valeur, ancien officier d’ordonnance de l’amiral Besnard ministre de la marine et plus tard colonel au ministère de la guerre. C’était le capitaine Blondlat, auquel le lieutenant Mouret avait probablement parlé de moi. On le disait très riche ; je n’en sais rien, mais il était soldat avant tout, avec des goûts simples, un langage bon enfant et un esprit largement ouvert à tout ce qui est instructif et profitable. Il ne se gênait pas pour se promener avec moi au bord de la mer en me parlant de la campagne du Dahomey, de Madagascar et des soldats de la Légion, qui, disait-il, avaient rendu à la France d’incalculables services. Nous causions aussi des grandes manœuvres