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Les Annamites professent un grand respect pour les vieillards. Leur religion est exclusivement le bouddhisme ; peu fanatiques, mais profondément superstitieux, ils sont très attachés au culte des ancêtres. Le plus agréable cadeau qu'on puisse faire à un Annamite, c'est un riche cercueil qu'il conservera précieusement dans sa maison jusqu'à sa mort. Beaucoup de riches font préparer leur tombeau de leur vivant.

J'ai beaucoup vécu avec les Annamites en pleine brousse ; je les ai observés et étudiés et je leur ai trouvé de grands défauts ; ils sont immoraux ; ils ont la passion du jeu et de l'opium, beaucoup de vanité et de fourberie ; enfin, à la ruse orientale ils joignent un penchant très marqué au mensonge et au vol.

Dès notre débarquement à Haïphong, après une quarantaine de jours de voyage, on nous expédia par une chaloupe à vapeur à Hanoï. Cette chaloupe était une véritable cage humaine. Nous y étions entassés avec des Annamites qui ne cessaient de cracher le jus de leur bétel, avec des chevaux et des chiens, sans compter différentes marchandises, des bagages et du charbon. L'odeur était insupportable et nous fûmes obligés de rester comme cloués sur place pendant les dix-sept heures que dura ce voyage. En arrivant à Hanoï, nos jambes étaient tellement engourdies que les gradés qui nous attendaient pour nous conduire à la citadelle nous demandaient d'un ton moqueur si on ne nous avait pas distribué une paire de jambes en caoutchouc avant de partir de France. Parmi nous, se trouvait un brave garçon, nommé de Cuverville, dont je fis la connaissance et qui par ses manières simples, polies, et par sa grande amabilité, m'inspira de suite une réelle sympathie. Malheureusement, il fut emporté par la dysenterie quelques mois après son arrivée au Tonkin.

Mon premier souci à Hanoï fut d'apprendre la langue annamite. A cet effet, je suivis le cours qu'un résident de France professait tous les soirs. Dans le même but, je me mis en relations avec plusieurs indigènes catholiques,