tombée de la nuit était-il astreint à porter une petite lanterne allumée.
J'allai également me présenter au commandant Betboy de la Légion ; il me dit qu'un jour, en Algérie, on lui avait favorablement parlé de moi et qu'il était heureux de me serrer la main. Le commandant Betboy était l'officier de la région à la fois le plus craint et le plus respecté des indigènes. On peut dire sans exagérer que son nom était connu d'un bout à l'autre du pays tonkinois, aussi bien des militaires que des indigènes. Il était au Tonkin depuis le commencement de la guerre et ne demandait qu'à y rester.
Ses nombreux actes de courage et la rapidité de ses marches dans des régions où les pirates étaient les maîtres, l'avaient fait surnommer quan-mân (monsieur Vite). Ce sobriquet fut également donné par les Annamites au général de Négrier.
Pourvu d'un plat de campement, d'une marmite et d'un flacon de quinine que le commandant Betboy m'avait prêtés en ma qualité d'ancien légionnaire, je quittai Tuyen-Quang pour Hien-Xoi, endroit fréquenté par les éléphants et les tigres. Vers quatre heures du soir, mes deux porteurs de bagages se mirent subitement, malgré leur grande fatigue, à courir comme s'ils étaient poursuivis. Je leur demandai pourquoi cette course. Ils me répondirent que si nous n'arrivions pas avant la tombée de la nuit, nous pouvions nous considérer comme morts, car journellement à cette heure le tigre sort pour chercher sa nourriture ; l'homme étant pour lui un plat de luxe, il ne manque jamais de faire main basse, ou plutôt, griffe basse, sur tout sujet qui se présente. Je savais cependant qu'un Européen accompagné d'un indigène a des chances de s'en tirer, le tigre ayant une prédilection marquée pour la chair annamite. Chacun son goût.
Toutes les maisons que j'ai rencontrées sur le chemin étaient entourées de bambous et de plantes sauvages impénétrables. Cependant le fauve réussit