Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui m'a toujours entraîné à servir aux colonies, malgré la misère, les fatigues et les dangers, ce sont les chefs sous les ordres desquels j'ai eu l'honneur de marcher et de combattre. C'est un long volume qu'il me faudrait écrire pour relater d'après ce que j'ai vu moi-même, tous les exemples qu'ils ont donnés, toutes leurs belles actions de guerre, toute leur humanité et tout leur dévouement aux soldats qui partageaient leurs souffrances ! Et si, en garnison, l'intimité entre officiers et soldats est quelquefois moindre par la faute de quelques chenapans qui arrivent à se glisser dans les troupes coloniales, nous savons du moins qu'on sait faire la distinction et que les autres, les vrais soldats coloniaux, possèdent la sincère estime de leurs chefs.

Le lendemain, les officiers de la flotte envoyèrent au capitaine une caisse contenant quatre-vingt-douze paquets de tabac à distribuer à la compagnie ; cette aimable attention nous fit grand plaisir et nous montra une fois de plus que dans l'armée, tout le monde s'estime et tout le monde se tient. Le même jour, deux camarades grièvement blessés mouraient à l'ambulance. Cela portait à quatre le nombre des victimes du combat du 16.

Deux jours après, les mandarins de Mac-Giang, ville où les habitants nous avaient montré le plus d'hostilité, vinrent nous apporter leur soumission. Les gens qui les accompagnaient nous dirent que dans la journée du 16 novembre, à Van-Luoc, nous leur avions tué plus de quatre cents hommes. C'est certainement très regrettable. Mais, qui avait provoqué cette tuerie ? N'en étaient-ils pas eux-mêmes responsables ? Ne nous avaient-ils pas fait toutes les misères possibles, allant jusqu'à tuer deux de nos officiers en promenade et se vantant d'avoir jeté leurs coeurs aux chiens ?

Le capitaine de vaisseau Philibert, « le bon père Philibert », comme l'appellent les matelots, vint également nous visiter. Il demanda au capitaine de nous