Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/222

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comme je haussais le ton, il s’exécuta avec un mouvement d’humeur. J’y allai de mon « Thank you », mais n’obtenant qu’un haussement d’épaules, je répliquai par un geste qui, bien que shocking, mit tous les rieurs de mon côté.

Le 22 septembre, on demanda dans les compagnies des volontaires pour former, sous les ordres du colonel Rondony, une colonne qui devait aller protéger la voie ferrée de Hankéou appartenant à une société franco-belge. Avec d’assez grandes difficultés, mon capitaine me permit d’en faire partie. Nous quittâmes Pékin le 24 septembre au matin, ayant pour tous vivres quelques morceaux de biscuit chacun. Quatre cents porteurs chinois environ nous suivaient. Le soir même, nous atteignions Lou-Kou-Kiao, à 24 kilomètres de Pékin, où se trouvait l’origine de la ligne. La gare était complètement rasée ; une citadelle chinoise voisine et le pont de la voie ferrée étaient occupés par un détachement anglais (Cipahis indiens) qui y avait déjà planté son drapeau. Cette prise de possession n’était pas du goût du colonel qui avait été spécialement chargé de cette mission. Avec la plus grande courtoisie, il invita le commandant anglais à faire enlever son pavillon et sans attendre sa réponse y fit arborer le nôtre. Le lendemain, nous fîmes une reconnaissance dans les montagnes. Le pays semblait calme, mais partout nous voyions la trace des Boxers.

Les vivres et les médicaments nous faisaient complètement défaut ; le pays semblait avoir plus de ressources que la région entre Tien-Tsin et Pékin, mais en attendant nous n’avions à manger qu’un peu de riz et beaucoup de sel. Pendant le séjour à Lou-Kou-Kiao, seuls, les sous-officiers touchèrent à plusieurs reprises un quart de vin parce que, nous dit-on, il n’y en avait pas assez pour tout le monde. Quelle qu’en fût la raison, cette mesure fit très mauvaise impression sur les soldats. Il en avait déjà été ainsi pendant la campagne de Madagascar où ces préférences avaient quelque peu