faits de grands draps blancs que des camarades avaient eu soin de préparer ; puis on nous conduisit à la cantine où un repas vraiment réconfortant nous attendait. Et, comme je faisais la mine d'un homme étonné, un caporal m'expliqua que le régiment offrait à tous les détachements venus soit de France, soit des colonies, un dîner à la cantine à titre de bienvenue. Tout à coup, au milieu du repas, je fouille dans mes poches et je constate l'absence de mon porte-monnaie qui contenait soixante et quelques francs. Je me lève précipitamment pour courir à la chambre, croyant l'y avoir oublié. Le caporal, devant ce geste, m'en demande le motif. Je le lui dis. D'une voix de tonnerre, il s'écrie en se plaçant devant la porte : — Personne ne sortira d'ici sans être fouillé par moi. — Tout le monde s'approche du caporal et se prête à l'opération. Mais mon porte-monnaie n'est pas retrouvé. Alors le caporal, qui me voyait pleurer, passa son bras sous le mien et tâcha de me consoler en me parlant sur un ton paternel. Il me ramena jusqu'à la porte de la chambrée. Arrivé devant mon lit, je m'y précipite et je retrouve sous le traversin ma bourse intacte. Je l'ouvre, pas un sou n'y manquait.
Neuf heures venaient de sonner. Plusieurs hommes étaient déjà couchés. L'adjudant entre pour l'appel du soir et s'adresse au caporal de chambrée : — Vous laisserez les jeunes soldats arrivés aujourd'hui se reposer toute la journée demain. — Je me couche à mon tour et la conversation suivante s'engage avec mon camarade de lit : — Dis-donc, quel est ton nom ? — Appelle-moi Léon, si tu veux, c'est mon prénom. — Eh bien, Léon, permets-moi de te dire que tu es un peu négligent. Tu déposes un porte-monnaie sur ton lit, exposé aux regards de tout le monde. Il est vrai que depuis six mois que je suis dans cette chambrée, je n'ai jamais vu de vol, mais enfin, cache ton argent. Voyant ce porte-monnaie sur ton lit, je l'ai ouvert et j'ai compté l'argent par curiosité, il faut m'excuser. Il