Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C'étaient les premières sœurs que je voyais dans cette colonne. Il serait bon que l'on sût en France avec quel dévouement absolu autant que modeste ces sœurs accomplissent leur mission aux colonies, s'exposant souvent aux plus grands dangers. C'était le cas de celles que je venais de rencontrer devant Tcho-Tchéou ; elles voyageaient dans une misérable voiture à deux roues, sans escorte, sachant cependant combien la route était dangereuse. Elles se montraient là telles que je les avais vues dans d'autres campagnes, faisant le bien sans bruit, toujours dignes d'admiration et de respect.

A Tcho-Tchéou, on ne savait pas ce qui se passait en dehors de notre colonne. Après une entrevue avec le colonel, nous repartîmes pour les Tombeaux. A Laï-Su-Sien, nous fûmes reçus avec les mêmes cérémonies qu'à l'aller. A I-Tchéou, nous rencontrâmes les Allemands qui portaient des casques coloniaux à un moment où le thermomètre descendait à vingt-deux degrés au-dessous de zéro. Cette coiffure hors de saison me parut quelque peu ridicule. Les Français étaient partout bien accueillis, tandis que les Allemands inspiraient la peur. Les Chinois disaient que les Fagoa (Français) sont bons et que les Togoa (Allemands) sont méchants. Il est d'ailleurs probable qu'en présence des Allemands ils disaient le contraire. Le Chinois n'en est pas à une ruse près ! N'avais-je pas vu, précisément à I-Tchéou, lorsqu'un détachement français passait, le préfet faire hisser notre drapeau. Dans la même journée, passait un détachement allemand ; alors, le drapeau français disparaissait comme par enchantement, pour céder la place au drapeau allemand. Et à Taï-Ling, j'ai trouvé sous le lit du fils du chef du village des drapeaux de toutes les nations présentes en Chine. Ils étaient soigneusement roulés dans du papier de soie, avec une inscription sur chaque enveloppe. Aussi suis-je bien affermi dans cette opinion : « Ne nous fions pas aux Chinois ! »