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En voici un exemple. Avant de quitter les Tombeaux je fus invité chez le fils du mandarin de Taï-Ling. Or, j'appris ensuite que plusieurs jours auparavant, le père et le fils avaient cherché, en questionnant mes camarades, à se rendre compte de mes goûts et de mes préférences en matière culinaire. Et je fus assez étonné, le jour du repas, de me voir servir des poissons dans cette contrée dépourvue de rivières, ainsi que d'autres mets que j'affectionnais.

Le Chinois semble être animé aussi d'un certain patriotisme. Il existe dans toutes les provinces des sociétés secrètes qui se donnent pour mission de protéger le sol céleste contre l'invasion des étrangers. Cependant le Chinois est patriote à sa façon ; essentiellement égoïste, il tient surtout à son bien et la préoccupation de le sauver l'emporte sur tout.

J'avais passé le jour de Noël à patrouiller dans la forêt. D'ailleurs, il était écrit que ce jour-là je ne serais jamais libre. Depuis le début de ma carrière militaire jusqu'à la campagne de Chine, le bonhomme Noël m'a toujours trouvé, soit en campagne, soit pris par un autre service. L'année précédente j'avais, en manière de réveillon, passé la nuit en faction sur le toit d'une pagode en grignotant, pour remplacer le boudin, quelques morceaux de biscuit sec. Le courrier de Pékin nous apprit que le prince Tuan, principal instigateur du mouvement boxer, qui avait dirigé l'attaque des légations et du Pé-Tang et qu'on avait condamné à mort par contumace, était gracié, mais dégradé de toutes ses dignités — en réalité, il ne fut ni dégradé, ni même blâmé — et que le célèbre comédien Li-Hung-Tchang était nommé par l'impératrice président de la commission chinoise pour la paix. Mais, pendant ces négociations, on signalait d'un peu partout des engagements entre les troupes alliées et les Boxers. Enfin, les réguliers chinois de Chan-Si tentaient sans y réussir, de traverser nos lignes.

La famille impériale s'était réfugiée à Sin-Ngan-Fou,