Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un jour, par la voie de l'ordre, le général en chef prescrivit dans toutes les armes, de demander aux militaires de tous grades leur avis sur tout ce qu'ils avaient pu remarquer d'intéressant dans les troupes des autres nations et d'indiquer les moyens susceptibles d'alléger ou de modifier le service en campagne. Mon commandant m'invita, et j'en fus particulièrement flatté, à lui remettre mon appréciation par écrit. Et peu après, ma joie fut à son comble quand je sus que mon modeste avis avait retenu l'attention et que j'étais proposé pour la médaille militaire et pour caporal.

Malgré les minutieuses précautions prescrites par notre commandant, les cas de congélation devenaient de plus en plus fréquents. Ils provenaient surtout de l'absence de chaussures. Près de la moitié du bataillon en était dépourvue. Nous étions chaussés d'une sorte de savate chinoise que le commandant s'était procurée à grand'peine. A plusieurs reprises, il avait réclamé d'urgence à Pékin un stock de chaussures, mais aucun envoi n'avait suivi. Il y avait bien un magasin d'habillement à Pékin, mais il servait surtout à ceux qui, sous des prétextes futiles, quittaient la colonne pour entrer à l'hôpital et s'y tenir en lieu sûr à l'abri des coups de fusil, du froid et des privations. On a beau récriminer, il en sera toujours ainsi, pour quelques-uns, cela s'entend. Cependant, à leur rentrée en France, ces soldats de parade ne manquent jamais de proclamer qu'ils ont tout fait. Ils parlent haut de leurs campagnes, critiquent les chefs et considèrent comme des êtres inférieurs les camarades moins bavards qui ont fait leur besogne. Ils sont mûrs pour l'antimilitarisme.

Notre commandant reçut vers le 25 janvier de Li-Hung-Tchang, par l'intermédiaire du neveu de l'empereur, qui résidait à Si-Ling, une lettre lui annonçant sa nomination à la présidence de la commission chinoise pour la paix. Il ajoutait que les négociations étaient en excellente voie. Le commandant répondit