Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/260

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que, jusqu'à l'arrivée de la notification officielle, il était obligé de considérer le territoire comme étant en état de guerre. En même temps, il nous invitait à nous méfier, maintenant plus que jamais, des Chinois ; mais il nous défendait, sous peine de punitions sévères, de les molester.

Le 1" février, un ordre général énuméra des citations et des propositions de croix et de médailles militaires pour faits de guerre et blessures graves au cours des dernières opérations (celles qui avaient eu lieu au cours des négociations pour mettre fin à la guerre). La paix prochaine fut annoncée au peuple chinois par de formidables affiches. Mais je remarquai aussi que, dès l'apparition de ces proclamations, les Chinois augmentèrent tellement le prix de leurs marchandises qu'il en résultait entre les soldats et les marchands des discussions qui parfois dégénéraient en batailles.

Malgré la neige et la glace nous continuions nos marches et reconnaissances dans les montagnes. Et quelles marches ! Il fallait se cramponner pour grimper ; pour descendre c'était encore pis ; peu d'entre nous revenaient indemnes de blessures ou d'accrocs quelconques. De plus, nos savates chinoises prenaient la neige et nous rendaient la marche très pénible. Au mois de février, les Allemands passèrent aux Tombeaux impériaux. Il fallut voir alors nos amis les Chinois ! La peur s'était tellement emparée d'eux qu'ils empaquetaient tout dans des sacs et se tenaient prêts à fuir. Partout où les Allemands passaient, ils bombardaient, brûlaient et tuaient tout sur leur passage. Les Russes en ont fait autant. J'ai maintes fois vu les soldats de ces deux nations acheter chez les Chinois et ne pas payer même le quart du prix demandé. Les Chinois d'ailleurs acceptaient, leur éternel sourire aux lèvres, sachant ce qui les attendait en cas de refus. D'autres se gênaient encore moins et prenaient sans rien payer les objets à leur convenance. Mais, s'il arrivait par hasard qu'un soldat français en fît