Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville sur plusieurs maisons. Une musique municipale parcourait les rues en jouant la Marseillaise. Enfin- le 19 juillet, nous arrivâmes à Marseille après une traversée de quarante-neuf journées, parfois bien longues et bien tristes.

Un mot à ce sujet. Dans mon Journal de marche en Chine, j'avais exprimé le vœu qu'il soit créé des bibliothèques sur les navires destinés à transporter des militaires aux colonies. Ces bibliothèques, analogues à celles que le général Borgnis-Desbordes avait organisées dans les postes du Tonkin, rendraient de véritables services aux hommes. Il est impossible en effet, pour qui n'a pas fait de traversée, de s'imaginer l'ennui des soldats pendant le voyage. Je suis très heureux d'avoir vu depuis mon vœu exaucé, et je me permets d'adresser ici, au nom de plusieurs milliers de soldats dont je suis sûr d'être l'interprète, mes très respectueux remerciements aux généreux organisateurs de cette œuvre bienfaisante. Je sais que dans les bureaux du ministère de la guerre (direction des troupes coloniales) se trouvent des chefs dont la préoccupation constante est d'améliorer le sort des soldats, mais il est évident qu'ils se heurtent à des difficultés matérielles dont la principale est le manque d'argent. Si le dévouement et l'esprit de sacrifice de nos troupes coloniales étaient suffisamment connus de la masse de la nation, je suis convaincu que leur sort serait de beaucoup amélioré. Mais il en est d'elles comme de certaines autres catégories de serviteurs du pays qui, travaillant avec modestie et sans bruit, ne se plaignent jamais de leur sort et restent trop ignorées.

En mettant pied à terre à Marseille, il me sembla rêver. Je me trouvais enfin en pays civilisé. Je me sentais très fatigué, mais comme après mes autres campagnes, je fus vite rétabli. Aucune réception ne nous attendait ; au fond j'en fus enchanté, car une réception impose toujours un supplément de fatigues qui n'est guère du goût des soldats.