Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faut cependant qu'il soit seul, car son immense palais compte environ trois mille personnes de service.

La région du Siam français commençait alors à Pac-Nam et se terminait à Chantaboun (cette possession a été échangée en 1905 contre la province de Battambang). A mon arrivée à Pac-Nam, j'ai trouvé juste quelques baraquements pour les troupes sur le rivage de la mer.

N'ayant pas fait campagne au Siam, je n'ai guère de choses intéressantes à en dire et j'en parle surtout pour faire un résumé complet de mes quinze ans de service militaire.

Notre vie à Pac-Nam consistait en travaux de réparation du camp et en exercices. Nous étions également chargés de la police. Un jour on nous avait signalé un vol important de pierres fines au préjudice de la famille royale. On soupçonnait un Indien qui venait parfois au Siam faire des achats de pierres précieuses (qu'on se procure, surtout à Chantaboun, à un prix assez modéré). L'Indien en question embarquait à Pac-Nam sur un vapeur allemand. En qualité d'agents de la force publique, nous montâmes sur le navire pour retourner de fond en comble tout ce qui s'y trouvait, à la barbe du commandant ahuri. Un soldat gardait l'Indien à vue. Après avoir fouillé consciencieusement partout, je rendis compte à mon capitaine que j'avais trouvé beaucoup de rats, mais pas de pierres fines. Comme nous n'avions pas d'autres ordres, nous laissâmes l'Indien prendre son vol, avec ou sans ses pierres. Avant de quitter le navire, j'expliquai au commandant le motif de notre turbulente visite ; au lieu de se fâcher, ce qui d'ailleurs ne lui aurait servi de rien, il nous invita à boire quelques bouteilles de bière de Munich que nous vidâmes gaiement à la santé de la famille royale de Siam, de sa bijouterie et de l'Indien. On m'objectera que c'est une façon bizarre de terminer une opération de police. C'est possible, mais comme dit le proverbe : on fait ce qu'on peut.