Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/308

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nombre d'Européens qui avaient déjà fait séjour en Cochinchine étaient atteints au Siam de dysenterie et de diarrhée verte. Cette dernière maladie est parfois plus dangereuse que la première, car elle comporte des suites redoutables, telles que maladie de foie et anémie profonde. Souvent aussi la diarrhée verte devient chronique. En fait, la mortalité provenant de ces deux maladies est assez forte parmi les troupes de l'Indo-Chine. Il faut dire que la faute en est souvent aux hommes eux-mêmes ; car, dans aucune colonie, je n'ai vu les chefs prendre autant de précautions sanitaires qu'en Indo-Chine. Malheureusement le soldat est un grand enfant qui n'écoute pas toujours les conseils des hommes compétents, instruits par une longue expérience. Il s'en repent une fois malade, mais à peine guéri il recommence. Ainsi va la vie !

De Pac-Nam je suis allé à Chantaboun. Une route a été construite entre la mer et Chantaboun, mais les pluies la rendent impraticable pendant sept mois de l'année. Fort heureusement, le trajet par le fleuve la remplace avantageusement pendant cette période. Je fais cependant une restriction, car j'ai éprouvé plusieurs fois que cette navigation sur des jonques légères n'est pas exempte de danger.

Je ne crois pas exagérer en disant que Chantaboun est une ruine ; car de quel autre nom qualifier une ville où l'on voit les murs se disloquer et s'écrouler sans qu'on y touche ? On aperçoit bien quelques petites maisonnettes de construction récente, mais si rarement que je me vois obligé de maintenir l'épithète que j'ai donnée à cette ville dont on m'avait cependant parlé en termes élogieux. Les habitants y sont d'une saleté repoussante. Des enfants de cinq à huit ans, complètement nus et semblant toujours sortir d'un bain de boue, courent dans la rue principale. Quelques Chinois et quelques donzelles japonaises ne parviennent pas à égayer un pareil séjour. Tout ce beau monde était sous la coupe d'un haut et surtout énorme fonctionnaire