Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/309

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siamois un peu moins sale que ses administrés, mais répugnant tout de même. Cette futaille servie par des organes répondait au titre de : M. le Gouverneur. Il fallait voir ce gouverneur en grande tenue. Qu'on se figure un adipeux personnage coiffé d'une sorte de chapeau à plumes qui n'était ni rond ni à cornes, vêtu d'une redingote chamarrée d'or et d'argent, mais d'une forme défiant toute description, engoncé dans une culotte blanche très serrée sur laquelle s'ajustait une paire de guêtres de la même couleur. Une épée mal attachée se balançait le long de sa cuisse gauche ; enfin, sans doute pour rehausser son costume, il marchait pieds nus. Ce gros personnage était entouré d'une milice habillée comme les soldats anglais, mais sans chaussures.

La police était assurée par un sous-officier européen faisant fonctions de commissaire et communiquant directement avec le commandant des troupes au Siam. Il était secondé par des soldats attachés spécialement à ce service et qui s'acquittaient fort bien de leurs fonctions ; pas de rixes, pas de désordres, tout marchait à souhait. Au Siam, on a pu constater une fois de plus que les indigènes des colonies sont infiniment plus maniables et plus dociles sous la coupe de l'autorité militaire, ferme il est vrai, mais toujours juste et bienveillante, que sous celle de l'autorité civile. Cette dernière en effet est souvent fantaisiste ; elle se livre trop à des expériences qui ne sont pas du goût des indigènes parce qu'elles choquent leurs coutumes et leurs traditions ; enfin, malgré tous ses efforts, elle n'arrive jamais à en imposer aux populations. Au Siam, où il n'y avait pas un seul fonctionnaire civil, tout allait pour le mieux. Officiers et soldats traitaient l'indigène en protecteurs bienveillants et l'indigène reconnaissant leur supériorité se montrait plein de gratitude envers eux.

Notre camp était situé en dehors de la ville. Il se composait de quelques maisonnettes et de plusieurs misérables