Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/32

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son mutisme se prolonger, je dis à Crista : — Tâchons de l’emmener et allons visiter un café arabe.

Nous voilà partis tous les trois. Nous nous arrêtons devant une petite maison blanche n’ayant aucune apparence de café. Nous entrons et aussitôt un spectacle nouveau s’offre à mes yeux. Une trentaine d’Arabes sont assis par terre, avec leurs burnous à capuchons, d’une couleur qui fut jadis blanche, mais offrant aujourd’hui toutes les nuances du sale ; les têtes sont entourées de turbans, plus crasseux les uns que les autres ; chaque consommateur tient une tasse de café dans une main, une cigarette ou une chibouque dans l’autre. Au milieu, un vieillard à barbe blanche, avec burnous et turban de la même couleur, était assis les jambes croisées et repliées. Il parlait sur un ton onctueux à ce cercle d’auditeurs qui conservaient une attitude assez bruyante et manifestaient leur assentiment par des cris ressemblant à des aboiements de chiens. Personne, excepté le tenancier, ne faisait attention à nous. Nous nous assîmes sur trois chaises boiteuses. — Achera kaoudjis, commanda Crista, et l’Arabe nous prépara trois tasses, en mettant simplement du café moulu dans un récipient qui contenait de l’eau bouillante ; puis, après avoir laissé déposer un instant, il versa à chacun un breuvage que je trouvai excellent. Je dis à Crista d’engager l’Arabe à continuer sa conversation interrompue. Nos tasses furent remplies de nouveau et notre compagnon, après un moment de réflexion, reprit la parole.

— L’Arabe n’est pas barbare, comme je l’ai entendu dire en Europe. —Cependant, répliquai-je, j’ai lu dans des récits de voyages que, dans certaines contrées, les Arabes mettent leurs coreligionnaires à mort sans autre forme de procès. — L’opinion des hommes, me répondit-il, ne reflète pas toujours la vérité ; et les auteurs ont toujours une tendance marquée à exagérer et parfois à dénaturer les choses, afin de rendre leurs récits plus attrayants. L’Arabe se laisse facilement