Le lendemain nous arrivâmes à Géryville en parfait état. On nous logea dans des baraquements construits en pierre. Le quartier militaire formait une allée le long de laquelle ces baraquements s'élevaient. Au nord, se trouvait la compagnie montée qui se compose de deux cents hommes et cent mulets ; au sud, l'escadron des spahis avec leurs chevaux magnifiques, leurs burnous rouges et leurs turbans traditionnels. La ville ou plutôt le village de Géryville consiste en deux rangées de maisonnettes, plus misérables les unes que les autres ; à gauche, un marché découvert, vaste mais mal entretenu. Toutefois, à l'entrée du village, un petit hôtel assez coquet, d'un seul étage, à l'enseigne Hôtel du Sahara ; quatre ou cinq autres petites maisons, un peu moins sales que les autres, dans une ruelle ; à gauche, la demeure du célèbre Si-Hamza, construction basse, d'un aspect plutôt maussade ; enfin, un lavoir ; voilà Géryville dans toute sa beauté. On y compte quelques centaines d'habitants, exclusivement Arabes et Espagnols ! Les Français sont représentés par un maire, un hôtelier et deux fournisseurs.
C'est dans cette ville que je connus, pour la première fois, toute l'horreur de l'ennui. On y cuit l'été et on y gèle l'hiver. Aussi les légionnaires l'appelaient-ils Geléville. On y reçoit très souvent la visite du siroco ; cet hôte désagréable, sous forme de vent très violent et d'une chaleur excessive, pénètre dans les habitations après avoir soulevé le sable à une hauteur assez grande, et lui avoir fait exécuter des danses folles. Après quoi, il frappe violemment aux fenêtres, et casse les vitres. Pénétrant par tous les interstices, le sable vient se poser sur les planches à pain, sur celles où se trouvent les effets, sur les armes, sur le lit, dans la jarre à eau, sur le parquet, partout. Et malheur à ceux qui dorment ! Le siroco se charge de les rappeler au respect dû à son nom et à son passage, en les forçant à quitter leur lit prestement. Je ne savais combien de temps je devais rester à