Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/59

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En revenant de Saïda, je suis resté trois semaines environ à El-Kreider, où j'avais à garder les condamnés aux travaux publics qui travaillaient dans le Sud-Oranais chez les colons. La plupart de ces hommes ont encouru leur peine pour des faits tels que : outrage envers un supérieur, sommeil pendant la faction, rébellion contre la force armée, désertion, refus d'obéissance et autres méfaits de cette nature. Cette garde fut une des plus pénibles de ma vie militaire ; le chef de détachement lui-même était toujours en éveil. C'étaient, d'un côté, la peur que quelques-uns ne désertent, car les condamnés étaient tout simplement campés en plein air dans des tentes-abris autour desquelles nous montions la garde ; d'autre part, le fait que ces hommes, presque tous « fortes têtes », ont des ruses qu'ils ont apprises dans les prisons et cherchent à créer des désagréments aux hommes de garde et surtout au chef. Ils s'entendent avec un employé de colon, un Espagnol ou un Arabe, qu'ils paient au besoin, afin d'attirer des histoires à tout le monde. Et cependant, même parmi ces déclassés, j'ai trouvé des exceptions, des hommes qui ne se sont pas laissé corrompre par leurs camarades ; ceux-là, il est vrai, sont généralement mal vus et subissent des vexations que les gradés sont dans l'impossibilité d'empêcher.

Quand je rentrai à Saïda, je fus prévenu que je devais embarquer quelques jours plus tard, à Oran, à destination du Dahomey. Le détachement, qui se composait de 175 hommes, était déjà équipé. Je reçus des effets coloniaux ; enfin, ravis de faire campagne, nous partons pour Oran.

Nous quittâmes le régiment accompagnés jusqu'à la gare par la musique et le drapeau. Pendant la traversée, je pus contempler une partie de l'Algérie qui formait un contraste frappant avec celle où j'avais vécu jusqu'alors. C'est la riche contrée des orangers et des vignes, dont le sol est cultivé avec soin. J'ai