Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

subitement je perdis ma confiance en lui, car tout en buvant une bouteille de bière, il me confia qu’avant notre arrivée au Dahomey, les Français lui avaient confisqué un fusil de provenance allemande. Je me dis alors que si l’on avait jugé nécessaire de lui confisquer une arme, il devait être suspect, et je communiquai cette impression à mon lieutenant. En outre, dans chacune de nos conversations, je cherchais à lui tirer les vers du nez ; mais il me répondait chaque fois qu’il ne se mêlait pas de politique, sans réussir cependant à me convaincre.

Sur ces entrefaites, il me fallut quitter Porto-Novo, car la colonne qui devait aller à la recherche de Behanzin était définitivement formée. Elle comprenait de l’infanterie de marine, des légionnaires, le bataillon d’Afrique, des Haoussas, des Sénégalais, et enfin de l’artillerie. Nous embarquâmes sur des jonques remorquées par des chaloupes à destination de Dogba où le général devait venir nous rejoindre avec son état-major, pour y établir son quartier général provisoire. Chose qui paraîtrait singulière en Europe, les femmes des soldats sénégalais avec leurs enfants et tout leur barda accompagnaient leurs maris en campagne, pas pour combattre comme eux, mais pour leur éviter des fatigues, leur préparer la nourriture, laver le linge, les soigner en cas de blessure ou de maladie. Elles marchaient groupées en arrière de la colonne, chargées parfois d’une partie du paquetage ou du campement de leurs maris. Plusieurs portaient des enfants à dos. Quant aux femmes des soldats haoussas qui, moins favorisées, n’avaient pas obtenu la même autorisation, elles nous ont offert au moment où l’on nous embarquait, un spectacle qui me toucha profondément. Au dernier moment, quand les jonques avaient déjà commencé à démarrer, il fallut l’intervention de la milice pour les séparer de leurs maris. Elles versaient des larmes en abondance et par-dessus les jonques tendaient les enfants à leurs pères pour qu’ils les em-