Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/141

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LE SONGE 83


M’enveloppant, son ombre ainsi parle et soupire :

— « Tes ardeurs, tes transports, ami, sont superflus !

Peux-tu donc oublier que ma beauté n’est plus ?

Vainement tu frémis d’amour et tu t’enflammes ;

J’appartiens à la tombe, et nos corps et nos âmes

Subissent du Destin la noire volonté.

De mon âme à jamais ton âme est séparée !

Adieu donc à jamais et pour l'éternité !

La mort seule a rompu la foi par toi jurée... »


Alors, voulant crier mon angoisse éplorée,

Suffoquant de sanglots, je m’arrache au sommeil...

En moi se fait le jour d’un lugubre réveil :

Devant mes yeux pourtant elle restait encore,

Et je croyais la voir, forme qui s’évapore,

Plotter dans la clarté tremblante du soleil.