Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/257

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Comme une torche errante au fond de palais vides,
Courent les flamboîments et les lueurs livides
Des laves, dont le feu sombre et vif tour à tour
Rougit l’ombre et la côte et les bois d’alentour.

Ignorant et les temps et la race mortelle,
Sans plus se soucier des fils que des aïeux,
Esclave du Destin qui règne et vit en elle,
Éternellement jeune, éternellement belle,
La nature poursuit son cours mystérieux.
Les peuples cependant, les langues, les empires,
Meurent ; aux jours mauvais succèdent les jours pires :
Rien ne trouble sa marche et sa sérénité.
Et l’homme ose ici-bas parier d’éternité !
 
Et toi, souple genêt, dont la tige odorante
De ces déserts brûlés fleurit les rochers nus,
Tu subiras aussi la lave dévorante
Qui, revenant encore aux lieux déjà connus,
Sur tes tendres rameaux qui parfument ces plages,
Épanchera les flots de ses fureurs sauvages.
Et tu t’affaisseras, innocent de ton sort,
Sous le feu souterrain qui t’apporte la mort ;
Mais tu n’auras du moins, jusqu’à l’heure fatale,
Épiant du fléau le signe précurseur,
Ni tremblé, ni courbé ta tête virginale
Devant les coups prévus du futur oppresseur.
Tu n’auras pas du moins sur la terre brûlée,
Ou le sort te fit naître et non ta volonté,