Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/61

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Quel pouvoir ou quel art plus sacrilège encor
A su te dépouiller de ta couronne d’or ?
D’un tel faîte comment et si bas descendue !
Es-tu donc à toujours et pour jamais perdue !
Quoi ! t’ouvrir le tombeau, te fermer l’avenir !
L’ingrate humanité perd donc le souvenir !
Des regrets et des pleurs ! — Maudites soient nos larmes
Et maudits nos soupirs efféminés ! Des armes !
Des armes ! donnez-moi des armes ! seul j’irai !
Et seul je combattrai pour elle, et je mourrai !…
Fais que mon âme, ô ciel ! — notre cause est la tienne !
Embrase à ses fureurs toute âme italienne !

Où sont tes fils ? On croit entendre un bruit de chars,
D’armes et de clairons, de voix et de timbales ;
L’air vibre déchiré du sifflement des balles ;
Sous un ciel étranger flottent tes étendards.
Regarde au loin, regarde, Italie ! une armée,
Fantassins, cavaliers, à travers la fumée
Se rue, et des lueurs d’acier fendent les airs :
Tels d’un nuage noir jaillissent des éclairs.
Écoute à l’horizon, vois et reprends courage,
Tourne tes yeux troublés vers ce sanglant orage :
En pays étrangers combattent tes enfants.
Pour qui donc luttent-ils, vaincus ou triomphants ?
O Dieux ! ô Dieux cruels ! c’est pour une autre terre !
Le glaive italien, servile et tributaire,
Frappe et tue au profit d’un maître ! — O glorieux
Et très heureux qui meurt pour le sol des aïeux,