Page:Leopardi - La Poésie, trad. Lacaussade, 1889.djvu/62

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Où sont nés ses enfants, où l’épouse pieuse
Lui fit des jours bénis, Lucrèce vertueuse !
Mourir pour eux est beau ! Mais, malheureux celui
Qui tombe sous le fer de l’ennemi d’autrui,
Et qui, sentant couler sa blessure mortelle,
Les yeux pleins du passé, ne peut dire en mourant :
Douce terre natale, ô terre maternelle,
Tu m’as donné la vie, heureux, je te la rend !

O grands jours du passé, nobles âges antiques
Où, le cœur embrasé d’ardeurs patriotiques,
Les peuples défendant leurs foyers envahis,
Par légions couraient mourir pour leur pays !
O monts thessaliens, défilés héroïques,
Vous êtes vénérés à jamais et bénis,
Vous qui vîtes les Grecs, dans la même journée,
Triompher de la Perse et de la destinée !
Vos arbres, vos rochers, et l’antre et le torrent,
Doivent de leur voix d’ombre au voyageur errant
Dire comment ces bords, aujourd’hui si paisibles,
Jadis furent couverts, phalanges invincibles,
D’hommes vaillants, héros au courage indompté,
S’en allant par la mort à l’immortalité !
Et comment devant eux, devant la mâle ivresse
De ces braves voués au salut de la Grèce,
L’efféminé Xerxès au cœur lâche, au pied prompt,
Précédant ses fuyards, fuyait vers l’Hellespont,
De l’éternelle histoire éternelle risée !
Tandis que, gravissant la colline boisée