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Page:Leopardi - Poésies complètes, trad. Vernier, 1867.djvu/83

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POÉSIES DE

LÉOPARDI. 53

proche, et de ses flots plus rapides presse sa rive odorante.

Quelle faute, quel crime si détestable entacha ma naissance, pour que le ciel et la fortune me soient aussi cruels ? Enfant, à l’âge où tout s’ignore, ai-je fait quelque mal pour mériter que le fil de ma jeunesse ternie dans sa fleur, se déroulât si tristement au fuseau de la Parque inexorable ? Sapho, ta bouche laisse échapper des paroles imprudentes. Une volonté obscure préside aux événements marqués par le destin. Tout est mystère, excepté la douleur. Enfants délaissés, nous naissons pour les pleurs, et la cause en reste au sein des Dieux. Ô soucis, espérances de nos jeunes années ! Apparences, mensonges, les Dieux l’ont voulu, vous régnerez éternellement chez les hommes. Ni les nobles actions, ni la docte lyre, ni le chant divin ne préservent la vertu de rester obscure sous ses humbles vêtements.

Nous mourrons. Laissant sur la terre son indigne enveloppe, l’âme se sauvera chez Pluton, pour échapper à la cruelle poursuite de l’aveugle