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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/262

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VI

BRUTUS MINOR.

(1824.)


Quand, déracinée, la valeur italienne tomba, ruine immense, dans la poussière thrace, heure fatale qui prépara pour les vallées de la verte Hespérie et pour la rive du Tibre le piétinement des chevaux barbares, et, des forêts nues que presse l’Ourse glacée, appela les épées des Goths à rompre les illustres murailles romaines ; alors, suant et mouillé du sang de ses frères, Brutus s’assit seul dans la nuit noire, déjà décidé à mourir ; il accuse les dieux inexorables et l’Averne, et frappe vainement les airs endormis de ses fiers accents.

Sotte vertu, les nuages creux, les plaines peuplées de fantômes inquiets, voilà tes écoles, et derrière toi marche le repentir. Pour vous, dieux de marbre (que votre demeure soit au Phlégéthon ou qu’elle soit sur les nuages), pour vous, la malheureuse race à qui vous avez demandé des temples est un jouet et une dérision, et une loi hypocrite insulte les mortels. Donc la piété des