Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/272

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aveugles dans des demeures associées. Dès lors, la main malhonnête se refusa à la charrue recourbée, et viles furent les sueurs agrestes. L’oisiveté occupa ces seuils scélérats, et dompta la vigueur native dans les corps inertes ; languissantes et lâches, les âmes retombèrent, et la servitude, mal suprême, s’empara de ces faibles vies humaines.

Et toi, qui sauvas ta race injuste de l’air ennemi et du flot de la mer mugissant sur les sommets nuageux, toi, à qui la première, parmi le ciel obscur et les cimes submergées, la blanche colombe apporta le signe de l’espérance renaissante : pour toi, le soleil naufragé, sortant à l’Occident des nuées antiques, fit briller le pôle noir du bel arc d’Iris. Alors la race renouvelée revient sur la terre ; elle reprend ses cruelles passions, ses goûts impies, ses ennuis éternels. Une main profane se joue des royaumes inaccessibles de la mer vengeresse et enseigne la douleur et les larmes à de nouveaux rivages et à de nouvelles étoiles.

Maintenant, père des hommes pieux, père juste et fort, mon cœur pense à toi et à tes fils généreux. Je dirai comment, ignoré, assis vers midi à l’ombre de ta tente paisible, près des molles rives, nourrices et demeure de ton troupeau, tu fus salué par des voyageurs célestes et inconnus, âmes éthérées, et comment, ô fils de la sage Rebecca, sur le soir, près du puits rustique, dans la douce vallée d’Aran, fréquentée des pasteurs en