Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/238

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drait à manquer. Si donc une chose quelconque était exempte de souffrance, ce serait au détriment du monde.

l’islandais.

C’est le raisonnement que j’entends faire par tous les philosophes. Mais puisque ce qui est détruit souffre, et que ce qui détruit ne jouit pas et, peu après, est détruit à son tour, dis-moi ce qu’aucun philosophe ne sait me dire : à qui plaît ou à qui sert cette vie si malheureuse de l’univers, qui ne se conserve que par la ruine et la mort des éléments qui le composent ?

Pendant qu’ils discouraient ainsi, survinrent, dit-on, deux lions si affaiblis et si amaigris par la faim qu’à peine eurent-ils la force de manger l’Islandais. Ils le mangèrent pourtant et réparèrent assez leur force pour vivre encore ce jour-là. D’autres nient ce fait et racontent qu’un vent furieux se leva pendant que l’Islandais parlait, le renversa par terre et éleva sur lui un superbe mausolée de sable, sous lequel il se dessécha et devint une belle momie : des voyageurs l’y trouvèrent et le placèrent dans le musée de je ne sais plus quelle ville d’Europe.