Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/237

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ami, si tu n’as pas fait cette villa pour mon usage, tu étais libre de ne pas m’y inviter. Mais puisque de toi-même tu as voulu que j’y demeurasse, ne dois-tu pas faire en sorte que j’y vive tout au moins sans souffrance et sans danger ? De même je te dis maintenant : Je sais bien que tu n’as pas fait le monde pour le service des hommes ; je croirais que tu l’as fait et arrangé à dessein pour leur tourment. Mais, je te le demande, t’ai-je par hasard demandé de me placer dans cet univers ? M’y suis-je introduit violemment et contre ta volonté ? Mais si, de ton plein gré, à mon insu, sans que je pusse ni m’y refuser ni m’y opposer, tu m’y as placé toi-même de tes mains, n’est-il donc pas de ton devoir, sinon de me tenir en joie et en contentement dans ton royaume, du moins d’empêcher que je n’y sois tourmenté et tracassé, et qu’il ne me nuise d’y habiter ? Et ce que je dis de moi, je le dis de tout le genre humain, je le dis des autres animaux et de toute créature.

la nature.

Tu n’as pas songé, on le voit bien, que la vie de cet univers est un cercle perpétuel de production et de destruction : ces deux choses sont unies de telle sorte que l’une sert continuellement à l’autre, ainsi qu’à la conservation du monde : le monde se dissoudrait dès que l’une d’elles vien-