Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/51

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terrasses et les loges et entend au loin courir sur la route le bruit des clochettes et résonner la voiture du voyageur qui reprend son chemin.

Tout cœur se réjouit. Quand la vie est-elle aussi douce, aussi agréable que maintenant ? Quand l’homme s’applique-t-il à ses travaux avec autant d’amour ? Quand plus volontiers revient-il à ses travaux ou entreprend-il des choses nouvelles ? Quand se souvient-il moins de ses maux ? Plaisir fils d’inquiétude ; joie vaine, qui est le fruit de la crainte passée, de cette crainte où trembla et redouta la mort celui qui abhorrait la vie ; où, en un long tourment, froids, muets, inanimés, suèrent et palpitèrent les hommes, en voyant déchaînés, pour nous attaquer, les éclairs, les nuages et le vent.

Ô courtoise nature, ce sont là tes dons, ce sont les plaisirs que tu offres aux mortels. Sortir de peine est un plaisir parmi nous : les peines, tu les répands d’une main large ; le deuil surgit spontanément ; quant au plaisir, le peu qui parfois en naît du chagrin est grand profit. Humaine race chère aux Éternels ! heureuse, s’il t’est permis de respirer au sortir d’une douleur ; bienheureuse, si la mort te guérit de toute douleur.