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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/139

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toujours et presque nécessairement horreur de faire violence aux personnes ou de verser le sang, elles sont la plupart du temps éloignées de nuire aucunement à autrui, et c’est bien rarement, c’est avec peine qu’elles se décident à courir les dangers que comportent les contraventions aux lois. Mais ce bon effet n’est pas produit par des imaginations menaçantes et par de tristes croyances à des choses cruelles et effroyables. Au contraire : elles font comme la multitude et la cruauté des supplices dont usent les gouvernements ; elles accroissent d’un côté la bassesse, de l’autre la férocité, ces deux ennemies, ces deux fléaux de la société humaine.

Mais tu as proposé et promis un salaire aux honnêtes gens. Quel salaire ? un état qui nous apparaît plein d’ennui et plus intolérable encore que cette vie. Chacun voit la cruauté de tes supplices : mais la douceur de tes récompenses est cachée, mystérieuse, incompréhensible à l’homme. Quelle efficacité peuvent avoir de telles récompenses pour nous encourager à la droiture et à la vertu ? Et en vérité, si une poignée de malhonnêtes gens, par crainte de ton épouvantable Tartare, s’abstiennent de quelque mauvaise action, j’ose affirmer que jamais aucun honnête homme, en ses moindres actes, ne s’est mis à bien agir par désir de ton Élysée. C’est que pour notre imagination il n’a point l’apparence d’une chose