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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/138

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pour toujours de la dernière heure de l’homme. Cela manquait, ô Platon, à l’infortune de l’espèce humaine.

Je ne rappellerai pas que ton but, qui était de détourner les hommes des violences et des injustices, n’a pas été atteint. En effet, ces doutes et ces croyances épouvantent tous les hommes à leurs derniers moments, alors qu’ils ne sont plus capables de nuire : dans le cours de la vie, ces idées épouvantent fréquemment les honnêtes gens, qui sont désireux non de nuire, mais d’être utiles ; elles épouvantent les personnes timides et faibles de corps qui n’ont ni assez de dispositions naturelles ni assez de force de cœur ou de bras pour les violences et les iniquités. Mais les hommes audacieux, robustes, peu sensibles à la puissance de l’imagination, enfin ceux en général à qui il faudrait un autre frein que celui de la seule loi, ne redoutent point ces idées, n’en sont pas détournés des mauvaises actions, comme nous le montrent des exemples quotidiens, comme le rend manifeste l’expérience de tous les siècles depuis tes jours jusqu’aux nôtres. Les bonnes lois, et plus encore la bonne éducation, la culture des mœurs et des esprits, conservent dans la société la justice et la mansuétude : les âmes dégrossies et attendries par un peu de civilisation, et accoutumées à considérer un peu les choses et à mettre en œuvre un peu d’intelligence, ont presque