Aller au contenu

Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Plotin.

Porphyre, en vérité j’aime Platon, comme tu le sais. Mais ce n’est pas un motif pour que je veuille discourir d’autorité, surtout avec toi et dans un tel sujet : c’est à la raison que je veux faire appel. Et si j’ai fait allusion comme à la dérobée à telle ou telle pensée platonicienne, ç’a été plutôt par manière d’exorde que pour autre chose. Je reprends donc le raisonnement que j’avais dans l’esprit, et je dis que non seulement Platon ou tel autre philosophe, mais la nature même semble nous enseigner qu’il ne nous est pas permis de quitter le monde volontairement. Je ne m’étendrai pas longtemps sur ce point : car, pour peu que tu y penses, il est impossible que tu ne reconnaisses pas que se tuer soi-même sans nécessité est une chose contre nature. Pour mieux dire, c’est l’acte le plus contraire à la nature que l’on puisse commettre. En effet, tout l’ordre des choses serait bouleversé si les choses se détruisaient d’elles-mêmes. Et il semble qu’il y ait contradiction, si quelqu’un peut se prévaloir de la vie pour éteindre cette vie, si l’être subsiste pour le non être. En outre, si quelque chose nous est enjoint et commandé par la nature, à coup sûr elle nous commande par dessus tout, et non seulement aux hommes, mais encore à n’importe quelle créature