Aller au contenu

Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

embûches ni des coups, même découverts, qui viennent d’ennemis vils. En général, dans la vie quotidienne, le vrai courage est fort peu craint : dépourvu de toute imposture, il manque de cet appareil qui rend les choses épouvantables. Souvent on n’y croit pas, tandis que les coquins sont craints même à titre de gens courageux parce que leur imposture fait que souvent ils passent réellement pour tels.

Il est rare que les coquins soient pauvres. Si un homme de bien tombe dans la pauvreté, personne ne le secourt et beaucoup s’en réjouissent ; mais si un coquin devient pauvre, toute la cité se lève pour l’aider. La raison en est facile à comprendre : c’est que nous sommes naturellement touchés des mésaventures de quiconque est notre compagnon et notre semblable : il semble que ce soit autant de menaces pour nous-mêmes, et nous y remédions volontiers quand nous le pouvons, parce que, si nous les négligions, nous paraîtrions consentir intérieurement à être traités de même en pareille circonstance. Or les méchants, qui sont les plus nombreux et les plus opulents, se considèrent chacun comme compagnon et comme camarade, même s’ils ne se connaissent pas de vue, et se sentent obligés à se secourir dans le besoin, à cause de cette sorte de ligue qu’ils forment. Il leur semble scandaleux qu’un homme connu pour méchant soit vu dans la misère : parce