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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/255

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LXXXVII


Celui qui voyage beaucoup a cet avantage sur les autres que les objets de ses souvenirs sont bientôt dans le lointain : ils acquièrent ainsi presqu’aussitôt ce quelque chose de vague et de poétique qui, chez les autres, ne leur est donné que par le temps. Celui qui n’a pas voyagé a ce désavantage que ses souvenirs rappellent des choses en quelque sorte présentes, puisque tous les lieux auxquels ils se rapportent sont présents.


LXXXVIII


Il arrive souvent que les hommes vaniteux et pleins d’estime pour eux-mêmes, au lieu d’être égoïstes et durs de cœur, comme il paraîtrait naturel, sont doux, bienveillants, bons compagnons, bons amis et prompts à obliger. Comme ils se croient admirés de tous, ils aiment leurs prétendus admirateurs et les aident quand ils le peuvent : ils jugent aussi que cela convient à cette supériorité dont ils estiment que le sort les a favorisés. Ils conversent volontiers, parce qu’ils croient que le monde est rempli de leur nom ; ils ont des manières courtoises et se louent intérieurement de leur affabilité et leur art de plier leur grandeur à communiquer avec les petites gens