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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/257

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XCI


Quand vous présentez quelqu’un, si vous voulez lui être utile, laissez de côté ses qualités les plus réelles et les plus particulières et nommez ses avantages les plus extérieurs et ceux qui lui viennent le plus du hasard. S’il est grand et puissant dans le monde, dites qu’il est grand et puissant ; s’il est riche, dites qu’il est riche ; s’il n’est que noble, dites qu’il est noble ; mais ne parlez ni de sa magnanimité, ni de sa vertu, ni de ses mœurs, ni de son amabilité, si ce n’est par surcroît, à quelque degré qu’il possède ces qualités. Est-il lettré et, comme tel, a-t-il quelque célébrité ? Ne dites pas : c’est un génie docte, profond, grand, sublime. Dites : Il est célèbre. Je l’ai dit ailleurs : c’est le bonheur qui est heureux en ce monde, et non le mérite.


XCII


Jean-Jacques Rousseau dit que la vraie courtoisie des manières consiste dans l’habitude de se montrer bienveillant. Cette courtoisie préserve peut-être de la haine, mais elle ne procure pas l’amour, si ce n’est du petit nombre d’hommes que la bienveillance d’autrui excite à la bienveillance. Voulez-vous par vos manières vous concilier