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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/259

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distribuent à chacun dans la conversation, on se fait une haute idée de celles que tous leur donnent, moitié par reconnaissance, moitié parce qu’il est de notre intérêt que ceux qui nous estiment soient loués et estimés. Ainsi les hommes, sans s’en apercevoir et peut-être malgré eux, par leur unanimité à célébrer ces personnes bienveillantes, les élèvent dans la société bien au-dessus d’eux-mêmes à qui elles se déclaraient sans cesse inférieures.


XCIII


Presque tous ceux qui se croient ou que leurs amis croient estimés dans la société, n’ont l’estime que de personnes appartenant à une seule compagnie, à une seule classe ou à une seule condition : celle dont ils sont et où ils vivent. L’homme de lettres qui se croit fameux et respecté dans le monde est laissé de côté ou bafoué chaque fois qu’il se trouve en compagnie de gens frivoles, et les gens frivoles forment les trois quarts du monde. Le jeune homme galant, choyé des dames et de ses compagnons, est négligé et oublié dans la société des hommes d’affaires. Le courtisan que ses égaux et ses inférieurs comblent d’égards sera tourné en dérision et évité par les personnes d’humeur indépendante. J’en conclus qu’à propre-