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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/79

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et unique objet de mourir. Ce qui n’était pas ne pouvait mourir : aussi du néant sortirent les choses qui sont. Il est certain que la cause dernière de l’être n’est pas la félicité, puisque aucune chose n’est heureuse. Sans doute, les créatures animées se proposent cette fin dans chacune de leurs œuvres : mais elles ne l’obtiennent en aucune : et, dans toute leur vie, s’ingéniant, travaillant et peinant toujours, elles ne souffrent vraiment et ne se fatiguent que pour arriver au seul but de la nature, qui est la mort.

À tout prendre, le premier moment du jour est le plus supportable pour les vivants. Bien peu, en s’éveillant, trouvent dans leur esprit des pensées agréables et joyeuses ; mais presque tous s’en forgent et s’en créent à l’instant même : car les âmes à cette heure-là, même sans aucun motif spécial et déterminé, inclinent surtout à l’allégresse ou sont mieux disposées, qu’aux autres moments, à souffrir leurs maux. Tel qui était en proie au désespoir quand le sommeil survint, s’éveille et reçoit à nouveau l’espérance dans son âme, si peu justifiée que soit cette espérance. Beaucoup d’infortunes et de peines, beaucoup de causes de crainte et d’ennui, paraissent alors bien moindres qu’elles ne paraissaient la veille au soir. Souvent même on méprise les angoisses du jour précédent : pour un peu, on en rirait, comme d’un effet de vaines erreurs, de vaines imaginations. Le soir est com-