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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t3, 1880, trad. Aulard.djvu/78

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quelle vallée, dans quel pays habité ou désert, dans quelle planète parmi toutes celles que tes flammes éclairent et échauffent ? Se dérobe-t-elle, par hasard, à ta vue, et se cache-t-elle dans le fond des grottes, dans le sein de la terre ou de la mer ? Quelle chose animée, quelle plante, quel être vivifié par toi, quelle créature pourvue ou dépourvue de vertu végétative ou animale participe à la félicité ? Et toi-même, toi qui, comme un géant infatigable, cours rapidement, jour et nuit, sans sommeil ni repos, dans la route infinie qui t’est prescrite, es-tu heureux ou malheureux ?

Mortels, réveillez-vous. Vous n’êtes pas encore délivrés de la vie. Un temps viendra où nulle force extérieure, nul mouvement intrinsèque, ne vous fera sortir de ce repos du sommeil, mais où vous vous reposerez toujours et insatiablement. Aujourd’hui, la mort ne vous est pas accordée ; seulement, de temps à autre, une image de la mort vous est donnée pour quelques instants. Car la vie ne pourrait se conserver si elle n’était fréquemment interrompue. Si ce sommeil court et fragile vient à manquer trop longtemps, c’est un mal mortel en soi, c’est une cause de sommeil éternel. Telle est la vie : pour la porter, il faut par moments la déposer afin de reprendre un peu de force, et se restaurer en goûtant comme une miette de la mort.

Il semble que l’être des choses ait pour propre