Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/124

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Ainsi, sa misère, et le dénûment de son logis aérien, lui inspiraient seulement l’idée d’un décor, d’un « chœur » formidable, la Ville avec ses yeux de pierre regardant le drame intime qui se déroulait dans une petite chambre où souffraient trois ou quatre créatures. En grelottant dans son galetas, il songeait à se documenter, et il s’échauffait à combiner un roman futur. Il cherchait alors sa voie, comme on dit, mais il avait la certitude de la trouver. Ce qu’il lui fallait d’abord rencontrer, c’était ce fameux emploi, après lequel nous l’avons vu courir inutilement, mais sans ardeur excessive. Il ne vivait pas avec sa mère ; il tirait d’elle encore quelques subsides. Il s’en estimait quelque peu honteux. Il fallait sortir de cet enlisement. Il eut des velléités de résolutions désespérées. « Sans ma mère, je me serais fait soldat ! » écrivait-il à un ami. C’était l’époque où un homme valait de quinze cents à deux mille francs. Zola « se vendant » pour manger et pour épargner les minces ressources de sa maman, c’est une note attendrissante. Il est probable qu’au moment de signer ce servage de sept ans, sa main eût hésité. Il ne pouvait sérieusement songer à troquer la plume contre le fusil à piston. Et puis, il avait été réformé, et on ne l’eût pas admis à contracter un engagement. Il dut réagir contre cette dépression, et le hasard lui vint en aide. Un ami de son père, M. Boudet, membre de l’Académie de Médecine, lui procura l’accès de la maison Hachette. Pour lui permettre d’attendre l’époque de son entrée en place, cet excellent homme dissimula un secours urgent sous l’apparence d’un travail. Bien modeste travail, et peu littéraire. Il s’agissait de porter à domicile les cartes de jour de l’an de l’académicien.