Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la presse, parce que les circonstances qui l’ont accompagnée lui ont donné une importance capitale. De cette réussite, un peu inattendue, date la constante confiance en soi, qui a escorté Zola dans la vie, qui l’a protégé. Il avait bien, dès le collège, en ses songeries de jouvenceau, dans les ravines provençales, poussé de superbes défis à la Rastignac, et dit à la gloire : « À nous deux ! » Mais ces cartels orgueilleux, quel jeune faiseur de vers, quel ébaucheur de romans, n’en a pas lancé ? La réalité brutale se charge de bientôt renfoncer ces fanfaronnades dans la gorge téméraire d’où elles sont sorties. Comme nombre de ses contemporains, comme beaucoup de débutants, avant et après lui, Zola se serait vite découragé, si ces appels à la fortune littéraire, à l’autre aussi, s’étaient perdus dans le tapage de la foule indifférente, ou regardant ailleurs. La plainte des Orientales est très en situation lorsqu’il s’agit de vocations poétiques : « Hélas ! que j’en ai vu périr de jeunes talents ! » Ils ne mouraient pas tous, au sens physique, mais, en littérature, qu’ils sont nombreux les jeunes trépassés que j’ai connus ! Nous étions une quarantaine de ma génération, aux débuts du Parnasse, chez Lemerre. Combien ont remplacé, sagement d’ailleurs, la plume de l’écrivain par celle du bureaucrate, les livres de l’éditeur par ceux du commerçant, et les problématiques droits d’auteur par des appointements certains et la retraite sûre du fonctionnaire ! Qu’ils ont bien fait, les avisés compagnons ! Combien, souvent mal résignés, mais contraints par l’implacable isolement de l’insuccès, par la malchance ironique, par défaut de persévérance aussi, ont renoncé à « cultiver » les lettres, pour continuer à repiquer les choux de leurs parents, et ont cherché, dans quelque profession, moins hasardeuse que celle de jardinier en fleurs